Ces chants se sont transmit de génération en génération. Chaque aborigène possède un bout de l'un de ces chants. Ce chant est, en fait, une carte topologique qui lui permet de se retrouver en Australie. Les Aborigènes étaient des chasseurs cueilleurs nomades. Ils ne possédaient donc pas de terre, mais un chemin, un chant. Il ne fallait surtout pas sortir de ce chemin, au risque de rencontrer des problèmes (ie: d'autres Aborigènes qui ne seraient pas content que vous débarquiez sur leurs platebandes).
Si des aborigènes venaient à se rencontrer sur un même chemin, cela voulait dire qu'ils avaient le même rêve (appartenaient au même "dreaming") et donc ils avaient un ancêtre commun.
Lors de cérémonies spirituelles/religieuses toutes les personnes présentes chantaient, chacune leur tour, leur bout de chant. L'addition de ces chants formait une carte qui pouvait représenter un chemin d'une côte à l'autre de l'Australie (Pour faire une comparaison avec l'Europe on parlerait d'un chemin de Moscou à Barcelone). La carte, composée de ronds, cercles, pointillés, était alors dessinée (et effacé juste après la cérémonie) à même le sol.
Depuis on a refourgué des pinceaux, de la peinture et des toiles aux Aborigènes, leurs cartes sont devenues des œuvres d'art. Ces peintures ne sont faites que pour les "blancs", donc dans beaucoup de cas elles sont bidons et ne représentent pas un "vrai" chemin (contrairement à ce que le vendeur peut vous raconter).
La structure de la société aborigène est extrêmement complexe. Les enfants n'ont pas forcément le même rêve que leurs parents, ils ne sont d'ailleurs pas forcément élevés par leurs parents. Quand un Aborigène parle de son "old man", il ne fait pas forcément référence à son père, mais à la personne qui l'a élevé. En plus du rêve, ils s'organisent autour de "nom de peau" (skin name ou kinship). En général il y a huit groupes de kinship (certaines tribus d’Australie occidentale font une séparation en fonction du sexe, ce qui donne 16 groupes). Un blanc qui se fait accepter par une tribu ou un famille aborigène se voit donner un kinship. Pour les Aborigènes cela veut dire qu'il fait partie de la famille.
Je vous propose en exclusivité mondiale une visite guidée du rêve de la chenille (Caterpillar dreaming).
Bon... alors ce n'est pas vraiment une exclu... le dreaming du caterpillar est, en fait, bien connu. D'après les Aborigènes, les montagnes autour d'Alice Springs (MacDonnell Ranges) ont été crée par l'ancêtre chenille (vous l'auriez compris). On peut les parcourir en voiture, en 4x4 ou a pied. Le plus proche du dreaming est un chemin de rando de 223km de long qui s'appelle le Larapinta Trail.
L'homme à la casquette a vécu plusieurs années dans une communauté aborigène perdu au milieu du désert du Tanami. Désert qui se trouve à 300km au nord est d'Alice Springs. Tanami est aussi le nom d'une piste de 4x4 mythique. C'est la route le plus court pour relier le centre de l'Australie avec les Kimberley au nord de l'Australie Occidentale (1000km). Aux dernières nouvelles, le (seul du tanami) relai routier au milieu de la piste (Rabbit Flat roadhouse) a fermé définitivement. Quand j'ai essayé d'y aller la dernière fois. Son propriétaire avait des gros problèmes de santé et n'avait pas trouver de repreneur. Il n'y a pas foule qui souhaite vivre à 700km de la ville la plus proche en plein milieu d'un désert...
Aucune trace de vie humaine, présente ou passée aussi loin que l'on puisse voir! C'est ça la liberté.
Les chants contiennent beaucoup plus d'informations utiles qu'une simple carte. Ils permettent aux voyages de trouver aussi de la nourriture et de l'eau. Ce qui n'est pas évident dans le désert.
Une nuit à la belle étoile, ça vous dit?
