Page 4 sur 5
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : ven. juil. 19, 2013 1:08 pm
par pourquoi2b
Les lacs nous attendent, nous y arrivons par un soleil radieux, et là, c’est la nature qui nous éblouit. Dans une vaste vallée, plusieurs lacs d’un bleu intense, retenus par des concrétions calcaires, se déversent en cascade les uns dans les autres. C’est d’une beauté absolue. Cette nature sauvage que nous sommes seuls à troubler nous coupe le souffle. L’eau transparente laisse distinguer le fond où flânent des centaines de poissons. Jusqu’au soir, nous marchons, courons, éblouis. Chaque arrêt nous fait découvrir des tonalités multiples et des abords singuliers. Le soir venu, nous installons le campement sur les berges, sommeil réparateur : à notre réveil et à notre surprise de la glace sur les vitres. Nous avions oublié que nous culminons à 4 000 mètres. Hier torse-nu, ce matin col roulé. Un bon café va nous réchauffer, loupé ! Le gaz a gelé, nous enfermons la bouteille dans un duvet.
En tournant autour de la voiture, surprise, le bouchon du radiateur est par terre. Le capot levé, un bloc de glace sort du radiateur. Aie, inquiétude, si le radiateur a souffert cela signifie abandon du véhicule, marche à pieds sur 100-200 kms, en sachant que la neige peut tomber
Bon le butane est dégelé, objectif café d’abords, puis nous faisons chauffer de l’eau, et de l’eau pour tenter de dégeler ce radiateur. Enfin midi, le soleil nous réconforte. Bedro, armé de notre unique canne à pêche est au bord du lac. Dernières vérifications minutieuses, pas de fuite. Nous dégommons le moteur à la manivelle, ajoutons l’antigel pardi, et sorti du fond des casiers coup de démarrage, inch’allah ! ça tourne, Roger et moi prenons soin de saluer le dieu des voyageurs…
Bedro, absent toute la matinée, revient, joyeux, il agite une assiette pleine de poissons, bute contre une pierre et la pêche retourne à l’eau. Nous mangerons des conserves, quoi de plus naturel !
Retour sur Bamiyan, nous faisons les pleins. Un camion citerne vient enfin d’arriver. Un couple d’Anglais attend depuis trois jours, c’est vraiment notre jour de chance. Et le leur aussi, car leur pont avant à rendu l’âme et nous en avons un, fixé sur la galerie. Prenant des risques nous leur offrons ; s’ils avaient osé ils nous auraient même embrassé les pieds. Nous laisserons aussi en cadeau sur le bord de la piste nos deux bidon en fer blanc. Bien arrimés sur le toit, ils ont frottés l’un contre l’autre et maintenant les écoulements de carburant nettoient le pare brise.
Arrêt dans une TCHAIKANA. Presque tous les villages en ont une. Maison commune où l’on sert le thé tout au long de la journée et de la nuit. C’est un lieu de rencontre où les habitants, les voyageurs se côtoient, échangent des nouvelles. Elles servent aussi de restaurant et de dortoir. Le plat est unique, le PAOLO, riz cuit à la graisse de mouton ; La plaisanterie : « comment avez-vous trouvé le mouton ? Sous le grains de riz ! » Si vous avez la chance de consommer chaud, c’est mangeable. En dehors des heures de repas, c’est froid, alors là, le suif vous colle au palais, d’où la consommation de plusieurs verres de thé bien chaud. Nous avons tenté l’expérience de passer la nuit en TCHAIKANA.
Mode d’emploi : après le thé de rigueur, prendre ses précautions en généra, derrière le bâtiment, rien n’existe à l’intérieur. Sous peine de ramener des souvenirs sous les semelles, se munir d’une lampe de poche. Prendre son duvet, le saupoudrer de DDT, choisir un endroit libre parmi les dormeurs, s’allonger sur un tapis poussiéreux et s’isoler mentalement, des râles, toux, ronflements et autres. Bonne nuit, et tout cela pour une somme modique.
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : ven. juil. 19, 2013 4:38 pm
par pourquoi2b
Le retour :
Les jours passent, il nous faut rentrer. Sortie AFGHA, les douaniers veulent nous vendre 10 Kg de « H ». Refus, le prix baisse, le kg frôle le prix des 50g à Paris. Mais nous ne nous laissons pas convaincre.
Par contre visite du véhicule par le conservateur du musée de KABOUL, qui nous explique que par manque de moyens il récupère (saisie) tout objet pouvant figurer dans le musée.
Coté Iranien, de grand panneaux en toute langue, préviennent le voyageur qu’il est interdit de transporte de la drogue sous peine de « mort ». Chacun protège son marché.
Kilomètre après kilomètre nous traversons l’IRAN, puis la TURQUIE, où nous trouvons un combi W. en panne avec six jeunes à l’intérieur qui arrivent de KATMANDOU. Roger cherche et trouve la panne, c’est l’allumage, une bougie vissée de travers. Impossible de l’extraire avec l’outillage que nous possédons. Pas de problème, chacun prend son sac, laisse le véhicule en bord de route et part en stop. Sans commentaire…..
Nous, repartons, traversons EDIRNE, dernière grande ville avant la frontière Bulgare. Beaucoup de militaires, mais nous sommes habitués, la Turquie étant limitrophe avec l’URSS. Basses Américaine nombreuses, guerre avec le PKK (indépendantistes Kurdes). Un barrage plus important nous oblige à stopper. Un gradé, plein de galons, assis à l’arrière d’une grosse cylindrée commande : je m’adresse à lui, par gestes, lui faisant comprendre que nous souhaitons atteindre la frontière. Réponse instantanée, demi-tour et convoi au centre ville devant l’office du tourisme. Là, nous apprenons, en Français, que la frontière est fermée et que nous pouvons attendre dans un camping. EDINE est aussi à quelques kilomètres de la Grèce… Décision prise, direction Grèce. Une petite route droite nous y amène, un pont fait office de séparation. Mais alors que nous sommes encore sur la ligne droite, des militaires nous mettent en joue. Ou ahou ! un demi tour, nous sommes dans la mouise !
Un groupe de Français, dix véhicules sont là, dont un couple avec enfants. Invités depuis dix jours et manquant de fric. Le lendemain Roger et moi partons pour la préfecture de Police. Peut être…. A l’entrée,un planton veut nous barrer le passage –nous l’ignorons- j’ouvre une grande porte et là une assemblée de militaires en conférence. Je demande si quelqu’un parle le français. Un gradé se lève, me désigne une porte au fond du couloir en disant : « traducteur ». Personne, nous repassons devant le bureau du planton absent lui aussi. Son bureau est rempli de tampons. Je fais mon marché et retour au camping. Les collègues french font un feu de camp. Plus tard nous recevons la visite de l’attaché d’ambassade de France qui se présente, nous offre cigarettes, chocolats, et donne les dernière nouvelles… La Turquie subit une épidémie de choléra dévastatrice, mille morts par jours. L’ennui c’est qu’elle ne veut pas le reconnaître, questions touristiques, économique et autres. D’où la fermeture sanitaire Bulgarie-Grèce. Consignes supplémentaires : ne pas passer par la montagne, elle est minée ; ne pas donner nos passeports au chef de la Police, il les revends le lendemain. D’après ses informations, un convoi serait envisagé…
Peu après sa visite, le camp est envahie par les flics qui matraquent les travailleurs Turques manifestant pour leur cause (leur travail en Allemagne est compromis par leurs absences) ; Bedro prends des photos devant les flics, qui n’ont pas l’air d’apprécier et commencent à le courser. Echec, super Bedro en action… enfin, heureusement pour nous qu’ils ignorent sa nationalité !
Nous sommes rassemblés devant un feu de bois quand arrive le chef de la police. On doit former un convoi, nombres de voitures, je réponds onze, sans préciser que la onzième n’est pas du bon côté. Ordre de faire le vaccin contre le choléra contrôlé par les Turcs. Réaction unanime, hors de question de refaire des vaccins. Ordres aussi de donner les passeports pour l’enregistrement. Nouveau refus. « monsieur le chef » part, ses bénéfices sont en baisse. Après son départ, je sors mes achats de la préfecture, dans la demi heure, tout le monde est en règle. Je fais ensuite cadeau des tampons à nos compagnons d’infortune Turcs, qui apprécient….
Nous exposons notre situation au groupe, nous sommes hors convoi. Une pince coupante fait son apparition, mais à la première coupe, les gamelles pendues au barbelé donne l’alarme. Loupé ! décision prise, comme le cortège de voiture doit passer devant nous, la troisième voiture va tomber en panne nous laissant le temps de nous glisser dans la file.
Nous allons nous coucher. Bedro tenait une conférence avec les Turques, dans la voiture, toutes lumières allumées.
Le lendemain, passe la première, puis la seconde voiture en route pour la Bulgarie. Comme convenu, capot ouvert, la troisième bloque. Nous mettons le contact, Rien ! La batterie avait été vidée par la conférence d’hier soir. Roger se précipite en jurant, trouve la manivelle, et après plusieurs tentatives démarre pendant que j’accélère. Les Français « en panne » s’impatientent. Des flics arrivent, nous démarrons sous leurs yeux. Nous n’aurions pas été occupés, dans l’urgence, notre poids mort aurait passé un sale quart d’heure.
Vers minuit, nous sommes à la frontière, il gèle et l’attente commence. Notre attaché d’ambassade est présent et mène les tractations. Gelé, il vient chercher chaleur et café dans notre bagnole. Vraiment sympa ce type.
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 1:57 pm
par pourquoi2b
Au petit matin, la situation se débloque, un grand salut à notre attaché ; nous sommes en Bulgarie. Passeport, visas puis désinfection intérieur-extérieur du véhicule, semelles des chaussures, pas de légume ni de fruit autorisé. Pendant que l’on prend soin de nous, se présente l’ambassadeur Français en Bulgarie. Il nous explique que le convoi va traverser la Bulgarie jusqu’en Yougoslavie. Interdiction de s’arrêter ou de quitter le groupe. Oui, mais cela ne fait pas mon affaire, madame est à SOFIA. Aussi, avec un visage de circonstance, il nous annonce la mort du Président de Gaulle. Devant la réaction d’une partie du groupe qualifiant le général de noms d’oiseaux, il disparaît et nous ne le reverrons plus. Voiture de police à l’avant, hauts parleurs annonçant à la population notre état « cholérique », voiture à l’arrière fermant le convoi, nous traversons le pays en une seule traite.
DIMITROVGRAD : Frontière Yougoslave, il gèle vigoureusement et me voilà sorti de Bulgarie sans avoir retrouvé ma femme. Sans nouvelle est-elle partie ? Je laisse mes compagnons à l’abri dans un hôtel, et prends contact avec les policiers à la gare. Madame n’est pas passée. Je leur demande de lui signaler, lors de leur coltrôle de passeport que son mari est à l’hôtel « machin » et je repars au poste bulgare. Sur la route un autostoppeur frigorifié. Prend ma place à l’hôtel, c’est payé. Direction guichet Bulgare pour visa. Le préposé, qui m’a vu le matin dans l’autre sens, refuse avec le sourire, en faisant oui de la tête (il faut savoir que le oui et le non gestuel est inversé en Bulgarie). « NE ! CHOLERA ! » J’insiste, lui aussi. Je demande un médecin, « NE ! » et j’abandonne. Je stationne près du poste. Comment faire ? Et EUREKA. Parmi les papiers officiels (ou pas), je retrouve ma carte de presse, correspondant de l’HUMANITE. Retour au guichet, je lui présente mon passeport ouvert, avec au centre ma carte de presse. Il jette un œil, puis me donne le visa contre cinq levas. OUF !! Une heure de route et je suis chez mes amis Bulgares qui ouvrent de grands yeux. On ne pensait pas que tu pourrais passer. Retrouvailles avec ma moitié, qui, valise prête devait prendre le train le lendemain.
Franchissement à nouveau de la frontière, sourires des douaniers, salut de notre part. Nous récupérons nos deux compères, direction l’Autriche. Le manque de joints sur le véhicule nous pose problème. Le pare-brise bourré de fleurs de coton passe encore, mais les glaces et les portières nous envoient un vent glacial. L’équipage n’a plus figure humaine. Le chauffeur enfile son duvet, puis pose les pieds sur les pédales, chaussettes comme mitaines, et maillot de corps sur la tête. Quant aux passagers, à part le nez, tout est dans les duvets.
Dernier trou dans le budget, les pneus ont souffert, le plus usé montre la chambre à air sur plusieurs centimètres. Entre pluie et gel, impossible de tenir la voiture en ligne droite. Il nous faut acheter un pneu que nous mettons côté chauffeur, ce qui nous permet d’accrocher la route.
STRASBOURG, 23heures, enfin en France. Il fait nuit noire, nous prenons deux chambres dans un hôtel d de seconde zone. Toilettes au fond du couloir, etc. mais nous serons au chaud. Je surprends Bedro au téléphone, en conversation avec des camarades du boulot.
L « individu » nous « charge » mettant sur notre dos le retard accumulé. Cette fois s’en ai trop…. Discussions orageuses, flash back du voyage depuis le début avec en couleur les nombreuses conneries de notre cher compère.
Bref, la fin du voyage est calme, normale, tout le monde fait la gueule. Dommage que cela s’achève de cette façon.
Deux ans plus tard, quatre copains repartent pour l’AFGHA, dont trois font confiance au quatrième pour les embarquer dans des galères.
Mais c’est une autre histoire… Raymond.
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 2:04 pm
par pourquoi2b
Deux ans plus tard, quatre copains repartent pour l’AFGHA, dont trois font confiance au quatrième pour les embarquer dans des galères.
Mais c’est une autre histoire… Raymond.
et je l'ai cette autre histoire... histoire bcp plus longue....
vous la voulez?????
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 2:50 pm
par dayer1313
Owwwiiiiii
C'est mieux qu'un bouquin
Merci pour le job que tu fais
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 2:56 pm
par edefaverney
Salut à vous tous,
Merci pour ce carnet de route qui pourrait être un livre de chevet!!

Il serait peut-être bien de trouver un éditeur pour ces carnets!

Encore un grand merci pour nous avoir permis de voyager dans ces contrées du bout du monde!!
A plus
Manu
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 5:33 pm
par valJeep
edefaverney a écrit :
Il serait peut-être bien de trouver un éditeur pour ces carnets!

Encore un grand merci pour nous avoir permis de voyager dans ces contrées du bout du monde!!
je connais une pelleté de mec qui cherche à faire éditer leurs carnets de voyages.... aujourd'hui c'est presque plus commun de voyager que de rester chez soi....
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : mer. juil. 24, 2013 7:09 pm
par edefaverney
valJeep a écrit :je connais une pelleté de mec qui cherche à faire éditer leurs carnets de voyages.... aujourd'hui c'est presque plus commun de voyager que de rester chez soi....
Oui!!
Mais dans ce cas, ce n'est pas un récit d'aujourd'hui!!

On ne traverse plus l'Europe

et tous les pays cités de la même façon!!
A plus
Manu
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : dim. juil. 28, 2013 12:44 am
par pepita4x4
pourquoi2b a écrit :Deux ans plus tard, quatre copains repartent pour l’AFGHA, dont trois font confiance au quatrième pour les embarquer dans des galères.
Mais c’est une autre histoire… Raymond.
et je l'ai cette autre histoire... histoire bcp plus longue....
vous la voulez?????
Heu je sais pas trop j'y réfléchie

. Mais bien sur encore encore une autre. C'est vraiment gentil à toi de nous en faire profiter et nous sommes conscients que c'est pas mal de boulot à recopier

Alors encore un grand
MERCI
re: Carnet de route, de 1970...
Posté : dim. août 04, 2013 3:48 am
par fred2b
Merci pour la retranscription Fred
