.manu 38 a écrit :ils ont pas le choix
L’Australie est un pays occidental (je parle d'économie et de culture) développé. Les règles vétérinaires et d'hygiènes sont assez similaires aux réglées Français/Européennes. Donc butter sa vache et la découper joyeusement à même la terre, sans même demander l'avis d'un véto, n'est pas autorisé. Maintenant ils en ont rien à foutre

Je ne vais pas les critiquer... c'est le meilleur bœuf que je n'ai jamais mangé
Quand j'ai posé la question à Andrew (le "boss") sur les règles véto, il s'est marré et m'a répondu: "Mon Pote, J'emmerde les vétos, sérieusement tu me connais un peu maintenant? J'ai l'air d'un type qui se laisse casser les couilles par des ronds-de-cuire?" - Et pour cause, Il est entré en politique 2 ans avant le reportage. Il s'est fait élire maire du petit village le plus proche (100km... par voie rapide). Aux dernières élections il a réussi à rentrer au parlement de son état en tant qu'indépendant. Son but est clairement affiché, défendre son style de vie. Il voit cela comme faisant parti du patrimoine australien, de la culture australienne. Il était sur le point d'abandonner ses ambitions de changer les choses par voie "politique". Il ne se représentera pas élections municipales. Selon lui les politiciens sont des comédiens déconnectés des réalités et des gens.
A leurs yeux, Andrew n'est qu'un bouseux acariâtre...
La situation des éleveurs australiens n'est pas tellement meilleure que celles des Européens. Les jeunes ne veulent plus reprendre l'activité de leurs parents et quittent la "campagne" pour les villes. Ils subissent les conséquences de la compétition acharnée que se livre l'industrie de la grande distribution (et fast food - macdo et cie) et donc la chute du cours de la viande. La ferme en question employée 10 cowboys à plein temps il y a 12 ans. Ils sont passés à 5 il y a 6 ans, maintenant ils ne sont que 2. Le 2éme n'étant que temporaire. Corinne (la femme du proprio) voulait s'occuper de ses enfants correctement. Je pourrai écrire un romain la dessus, mais je dirai juste qu'il n'y a pas d'école "correcte" (rien que le mot correct demanderait des pages d'explications) à moins de 500km de l'élevage, les parents s’improvisent donc enseignants (et se partagent le rôle avec d'autres parents). Mais d'ici quelques années ces enfants partiront au lycée à 800km de là, elle retournera dans les champs (et avec plaisir!!). Le lycée leur coutera environ 20 000 dollars par enfant par année. Cela représente une charge gigantesque (ils ont 3 enfants). Ils font d'ores et déjà d'énormes sacrifices pour économiser.
Au moment ou j'y étais le couple ne mangé pas le soir. Officiellement pour une vague histoire de régime. En grattant un peu j'ai compris que l'éducation de leur enfants n'était pas la seul raison. Les éduquer c'est bien, mais avant ça il faut les nourrir. Idem pour les deux employés de la ferme. Andrew me disait : "Moi je fais plus rien ici, c'est eux qui font tout le boulot et ils travaillent dur et bien, faut qu'ils reprennent des forces... et... et faut leur payer un bon salaire, c'est pas grand chose ce que je leur donne, mais je ne peux pas faire mieux..."
L'autre bête noir des éleveurs sont les sociétés minières. Les mineurs prospectent illégalement sur les terrains de la ferme. Ils pénètrent la nuit les propriétés et creuser des trous si bon leur chante. Évidement ils ne rebouchent pas. Quand ils ne creusent pas de trou ils shootent un kangourou, juste pour s'amuser ou faire passer le temps, et ils laissent le cadavre sans y toucher là où il est. Cela attire les cochons sauvages, qui se nourrissent de dépouilles d'animaux mort. Ils prolifèrent et transmettent des maladies au bétail. Ils rentrent aussi en compétition avec les troupeaux pour l’accès à l'eau et détruisent au passage certaines installations de la ferme (clôture, abreuvoir etc.).
L'homme au couteau, que l'on surnomme Redman, est pilot chevronné d’hélicoptère. Stevo en chemise bleu foncé qui tient la patte de la vache était économiste dans une grande banque. Il me racontait qu'un jour assit devant son écran d’ordinateur il a eu un moment d'absence. Quand il a reprit ses esprits, il ne comprenait plus rien aux tableaux de chiffres et autres graphiques affichés sur son écran. Les jours qui suivirent il se sentait comme un automate enfermé dans une prison, certes confortable, mais grise et déprimante. Il ne comprenait plus ce qu'il faisait, pourquoi il le faisait. Il a fini par tout plaquer.
Andrew a des offres, des pressions voir même des menaces à peine voilées pour vendre ses terres. Il pourrait en récupérer beaucoup d'argent et s'assurer une retraite dorée dans une station balnéaire de la côte. Mais comme Redman et Stevo, il tient à sa liberté aux grands espaces et à son style de vie. Ils ne troqueraient ça pour rien au monde, surtout pas pour de l'argent...
