« Deux heures P.M. mon voisin de camping, Bryan, me propose une sortie avec son véhicule à une trentaine de km.
Ca ne m’enchante guère, j’ai l’habitude de partir avec mon 4x4 avec tout mon barda
J’accepte, mais à contre cœur.
Le paysage devant nous est immense, à perte de vue des arbres. Je ne connaissais pas du tout ce coin.
Une fois arriver, je prépare mon matériel et constate que j’ai oublié mon GPS.
Il n’y pas trente six solutions, il va falloir que je prospecte à vue du véhicule.
Bryan part de son coté nous nous donnons rendez-vous vers cinq six heures
Première alerte, je creuse, un rubbish. (Poubelle, ne pas confondre avec rubis).
Je surveille toujours du coin de l’œil le 4x4.
Deuxième alerte, toujours du rubbish
Je m’éloigne de plus en plus et il arrive ce qu’il devait arriver
« BIPPP!!! !!! je ne vois plus le 4x4 »
Pas d’affolement.
J’essaie de retrouver le dernier trou creusé d’où je voyais encore le véhicule.
Ni trou. Ni 4x4
Cela fait une bonne demi heure que je suis dans la panasse, l’angoisse commence à me prendre.
J’appelle, mais l’autre tordu, (je commence à lui en vouloir), avec ses écouteurs sur les oreilles doit rien entendre
Je décide de bouger le moins possible, mais l’attente est très longue et je ne peux m’empêcher de temps en temps de faire quelques pas dans une direction pour revenir dans une autre, ce qui finit par complètement me désorienter.
Le jour baisse, mon collègue devrait avoir terminer de prospecter..
« HHHHHEEEELLLPPP !!!!HHHHHEEEEEELLLLLPPPP »
« BBBBRRRRYYYYAAAANNNNNNN »
Apres chaque appel, je fais le silence pendant quelques secondes pour intercepter une hypothétique réponse. Toujours rien.
La nuit est tombée, la température passe d’une trentaine de degrés à une vingtaine cela n’a l’air de rien mais moi je me caille.
La fatigue, l’angoisse, la soif, le froid, avec tout ça je commence à avoir le moral en dessous du zéro.
Je me dis que mon collègue va sûrement allumer un feu pour signaler sa présence.
Je grimpe à un arbre, pour essayer de mieux voir mais je me retrouve au milieu des feuillages.
Comme poste d’observation c’est pas la panacée !
Un petit vent c’est levé ce qui accentue la sensation de froid, en tee shirt, short et sandalettes c’est loin d’être le confort.
Pour me protéger de la froidure, je ramasse des branches mortes et je bâtis un semblant de paravent.
A l’abri le réconfort est de courte durée.
Je stresse à mort, recroquevillé sur moi-même adossé a un tronc d’arbre, à soixante berges je pleure comme un gosse.
Je maudis l’Australie, la détection, mon collègue, le monde entier.
Une ou deux fois l’an on retrouve un véhicule abandonné dans le bush mais rarement le gars.
J’ai du mal à me voir bouffer par un prédateur.
C’est pas possible je dois faire un cauchemar, tout à l’heure je vais me réveiller.
Je ravale mes larmes, je me lève, d’avoir chialé m’a fait du bien, j’ai vidé mon trop plein émotionnel.
J’analyse la situation, en lisant ça fait très académique, ordonné. Sur le terrain chaque pensées sont accompagnées d’une bordée de jurons.
Ca réconforte.
Allons-y pour l’analyse: En partant du village, je sais à peu prés la direction dans laquelle on s’est dirigé.
La difficulté c’est qu’avec la nuit, le ciel nuageux et les vires vires que je me suis payé en détectant, il est impossible de me situer.
Mes gros problèmes pour le moment c’est la soif et le froid et ce n’est pas en restant ici que je les dénouerais.
Des pistes, quelques direction que je me dirige, je tomberais fatalement sur une, maintenant, il se peut que celle ci ne soit pas fréquentée et qu’il ne passe personne pendant des jours.
J’opte quand même pour cette solution.
Mon détecteur sur l’épaule, je trace en me faufilant entre les arbres.
Au bout d’un certain temps, une idée me vient en tête.
Dans toute la région aurifère du West Australia (a peu près grande comme la France)on fait des milliers de carottages pour chercher différents minerais.
Je me dis que les gars doivent aussi travailler de nuit et qu’avec les phares et les bruit des moteurs cela devrait me guider.
A taton, j’essaie de trouver un arbre un peu plus haut que les autres mais dans cette nuit d’encre il est impossible de voir quoi que se soit.
Je me base donc sur le diamètre des troncs pour estimer leur hauteur.
Plus le tronc est large, plus il est haut. Une théorie qui en vaut une autre, mais apparemment ça marche.
Coincé dans une fourche je surplombe d’une courte tête la canopée avoisinante.
Au bout de dix minutes, les membres ankylosés par ma position on ne peut plus instable je décide de descendre et continuer mon « chemin »
De lumières et de bruits de moteur. Nenni.
Reprenant mon détecteur au passage me revoilà louvoyant entre les eucalyptus et autres callitris pyramidatis.
Ce qu’il y a bien dans l’action c’est que le positif l’emporte sur le négatif.
Il y a quelques heures je pleurais au pied d’un arbre me voyant déjà a moitié mort bouffait par une bande de charognard.
Maintenant j’ai un but.
Il faut que je m’en sorte.
Je la trouverais cette Put1n de piste.
Depuis un moment les arbres me semblent plus disperser.
Il est temps que je trouve un observatoire.
J’ai beau scruter, écouter rien du tout. J’attends encore un peu, puis repart en essayant de garder toujours le même cap.
Et cette soif qui me tenaille. Moi qui boit mes deux ou trois litre d’eau par jour, d’accord ce n’est pas toujours que de l’eau mais c’est du liquide.
Je rêve d’une bière, non deux. La première cul sec parce que je meurt de soif et la deuxième.
« Garçon une autre et bien fraîche »J’en ai les babines qui en bave.
que j’ai soif. »
Le terrain est plat mais pas mal accidenté et du bois mort en veux tu ? En voilà.
Avec mes sandalettes je n’ose même pas penser à l’état de mes pieds.
Cela fait un bon quart d’heure que je suis au sommet de mon arbre a l’affût du moindre bruit ou de lumière.
Le vent c’est calmé puis arrêté. Ce qui facilite ma chasse.
Tout devant moi.
Il m’a semblé entendre un bruit sourd?
Est ce le fruit de mon imagination? Ou le passage d’un oiseau nocturne?
J’attends encore un peu.
Plus rien.
Je reprends ma route en direction du bruit supposé.
La foret est plus clairsemée ce qui facilite ma marche d’aveugle.
Dans l’air flotte quelque chose de bizarre que je n’arrive pas à définir.
Le terrain a changé, les arbres ont disparu le sol est devenu plus sablonneux, j’accélère le pas et Bingo !!
Je suis embourbé jusqu’aux chevilles. Perdant l’équilibre me voilà affalé dans la vase.
Mon trop fidèle détecteur ne m’a pas quitte d’un pouce et m’a suivi comme son ombre dans ce bain que certains diront de jouvence.
En d’autres temps cela aurait pu être une situation hilarante. Mais là pas trop.
Apres un court moment de désespoir je me relève avec un gros SFLEEUURT de succion et en quatre petits sfleurt a reculons je sors de ce merdier.
J’essaie, tant bien que mal, de me nettoyer mais je n’insiste pas trop, cela frise « Mission Impossible »
Je verrais avec l’age si c’était un bain de jouvence, mais pour le détecteur hormis le fait qu’il doit ressembler à une bouse, il se retrouve avec une fracture ouverte du manche. Pour l’instant c’est surtout moi qui vait souffrir pour le porter. Sur l’épaule ça aller mais maintenant il va falloir le porter sous le bras. Manière beaucoup moins pratique.
Qui dit boue ! Dit eau ! Non ?
Je contourne précautionneusement cette mare traîtresse et cherche à trouver le berceau de cette eau salvatrice. Car je creve de plus en plus de la soif..
Je la sens, elle n’est pas loin.
Un talus devant moi qui descend assez abruptement et enfin je la distingue, je devrais plutôt dire je la devine.
Quel plaisir de patauger !
Je me lave vite fait les mains, m’asperge la figure.
Catastrophe.
Je porte une poignée d’eau a ma bouche et la recrache aussitôt.
Je suis tombé sur un lac salé.
Désespoir, espoir.
Je ne vais pas m’appesantir sur le désespoir, vous en connaissez la raison. Il ne me reste plus qu’affaire avec.
Mais là vous vous dites « Il disjoncte le mec «
Il creves de soif a coté de trois millions de m3 d’eau SALEES et il parle encore d’espoir.
Eh Oui. Maintenant je sais ou je suis.
Par rapport à la ville ou je campe il n’y a qu’une région ou il y a des lacs salés.
Par contre le mystère : à quel endroit je me trouve au milieu de toute cette flotte.
Au nord, au sud, a l’est, l’ouest. Je vous épargne les nord/nord est etc. etc.
Apres m’être débarbouillé succinctement et de plus L’eau salée sur les égratignures ça pique, je reprends ma route.
A droite a gauche?
De toute façon il faut que j’aille de l’autre coté.
Dans mon grand malheur j’ai quand même la chance que tous ces lacs ne font que quelques centaines de mètres de diamètre.
Quelques centaines de mètres ça peut faire quand même entre cent et mille mètres.
Donc on a du petit qui peut être un peu grand.
Je ne sais pas si vous me suivez mais pendant que vous m’écoutiez, je suis partie sur la gauche et mon intuition me dit que j’ai bien fait.
Mentalement je me représente la courbe que je suis entrain de parcourir et toujours mon intuition me dit que je suis de l’autre coté et qu’il faut que je reparte perpendiculaire a la plage.
Aussitôt pensé, aussitôt fait.
Les arbres commencent à se faire plus présent il va falloir que je trouve un perchoir le plutôt possible.
Cela fait un bon moment que je suis à l’affût du moindre indice de vie. Mais rien.
Je prépare a descendre quand une légère brise m’apporte sur ces frêles ailes un vrombissement sourd qui n’a rien de naturel. J’attends encore un peu. Plus rien.
Je suis maintenant en pleine foret, ma vitesse est ralentie par les ramures.
Cela doit faire une dizaine d’heure que je suis perdu. Je dis une dizaine d’heure. Mais je n’en suis pas sur du tout.
La fatigue commence à gagner sur moi, je voudrais me reposer mais j’ai peur de m’endormir et demain de ne plus savoir dans quelle direction me diriger.
Le plus dur c’est la soif qui me tenaille, je n’aurais jamais cru que se serait si dur que ça à supporter.
La soif.
Mes pieds aussi me font souffrir pas quand je marche c’est surtout a l’arrêt ou alors quand je suis perché là haut.
Le terrain à l’air de s’élever, pas de beaucoup quelques mètres pas plus, il me semble être sur un mamelon.
Au sommet, je fais une petite halte.
Un flash devant moi.
Un éclair d’orage, une lumière parasite qui c’est faite en clignant des yeux.
Ou alors !!!
Toujours l’espoir.
J’ai le regard tellement scotché sur ce bout d’horizon que les yeux m’en piquent.
Les minutes passent le désarrois me gagne, j’en ai marre de tout.
Promis juré une fois que tout est terminé, je rentre en France et que l’on ne me parle plus de l’Australie.
Tout dans mes funestes pensées, une lueur apparaît et disparaît.
Cette fois ci je l’ai bien vu, un balayage plutôt qu’un éclair. Quelques secondes plus tard un bruit sourd mais lointain se fait entendre.
Il n’y a plus de doute, il y a de l’humain par la bas.
J’ai envie d’attendre pour voir si le phénomène se répète, mais je n’y tiens plus.
Mon détecteur sous le bras je descends vers la foret.
Sous les arbres je ne peux voir les lumières mais à intervalles réguliers me parvient le doux bruit d’un de camion diesel.
Maintenant je sais ou je suis.
Les camions transportent du minerai et font une rotation entre la mine et l’usine de traitement qui se trouve a quelques km du camping ou je crèche. Et je connais très bien ce track pour l’avoir pris plusieurs lorsque je partais en prospection.
Me voilà au bord de la piste, J’attends avec impatience le prochain passage.
Malgré la joie de m’en être sorti, la soif me tenaille tout autant. De plus avec le passage des véhicules l’air est saturé de poussière.
Enfin des phares, j’ai beau faire des signes le camion passe a toute berzingue sans s’arrêter.
Avec ma dégaine, couvert de boue, de poussière, en short et tee shirt hyper crade, ils doivent me prendre pour un Abo complètement défoncé.
A chaque passage je m’enhardis de plus en plus vers le milieu de la piste pour leur faire signe. Mais rien n’y fait. Si je ne m’écartais pas je crois que les gars me passeraient dessus.
Avec tout ce que j’avale mes poumons se sont fossilisés, j’ai du mal à respirer et mon gosier est
un enfer.
Le camion est a une dizaine de mètres pleins phares klaxon a fond, je dois commencer à le gonfler le mec a jouer au toréador. Je me jette de coté au dernier moment et me résigne a attendre le prochain passage.
C’est là que j’entends mon camion descendre ses vitesses suivies de grands coups de frein.
Enfin il s’est arrêté.
Je parcours en courrant, de peur qu’il ne reparte sans moi, les deux cent mètres qui nous séparent.
Je monte a bord. Je lui raconte ma mésaventure. Apparemment il n’en a rien à foutre, il faut dire que mon anglais est au ras des pâquerettes. Je lui parle de ma soif il s’en contrefout.
A trois km du village, lui, doit prendre la piste qui va vers l’usine et il me largue.
Le jour commence a se lever, il doit être vers les cinq six heures du matin cela fait donc une douzaine d’heures que je me suis paumé. Une douzaine d’heures que je marche.
La première maison apparaît.
Comme un voleur je me glisse dans le jardin. Par terre gît un tuyau d’arrosage comme un fil d’Ariane je le remonte jusqu’au robinet.
Ce n’est pas de la bière mais qu’est ce que c’est bon.
André et moi sommes autour du feu, les yeux rougis par l’émotion il fini de me narrer une mésaventure qu’il lui est arrivé il y a une dizaine d’année.
D’un revers de main il s’essuie une larme
"Putain!!! de fumée " Qu’il me dit